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Le rôle du maître dans une optique de pratique philosophique en communauté de recherchepar camille Vasseur Un maître idéal serait à la fois une référence, un guide et un modèle pour les participants. Il aurait à la fois des connaissances pures, des savoirs-faire en matière de dialogue et un savoir-être en matière d’attitudes philosophiques. Fort brièvement, il me semble donc que cette personne devrait avoir les qualités suivantes : 1- Le maître devrait avoir acquis et devrait poursuivre l’acquisition d’une connaissance des textes philosophiques, des philosophes et de l’histoire de la philosophie assez complète pour pouvoir saisir les enjeux, les problématiques, les concepts et les orientations potentielles qui naissent des interventions des participants dans une communauté de recherche philosophique. Ses connaissances doivent aussi permettre de pointer là où les hypothèses étudiées par les participants mériteraient un éclaircissement et/ou un approfondissement par le biais d’un apport de savoirs empruntés non seulement aux ouvrages propres du programme Philosophie pour enfants mais aussi à ses connaissances en philosophie. Ces connaissances doivent faire également l’objet d’un détachement, d’une « désappropriation » afin qu’elles ne se « figent » pas et ne deviennent pas trop lourdes à assumer et à défendre ; autrement dit, les connaissances devraient être utilisées uniquement comme matériel pour renouveler l’interrogation individuelle et collective. 2- Un adulte qui, par son comportement, offre l’occasion à chaque participant de se sentir intellectuellement et affectivement reconnu comme une personne valable et dont la présence et la participation comptent beaucoup pour la recherche collective.L’adulte doit savoir offrir son silence et son écoute et également intervenir de façon mesurée et réfléchie pour permettre aux participants d’apprivoiser leur pensée, le dialogue et la réflexion philosophique. J’adhère particulièrement à ces mots de Kierkegaard : « Etre maître, ce n’est pas trancher à coup d’affirmations, ni donner des leçons, etc. ; être maître, c’est vraiment être disciple. L’enseignement commence quand toi, maître, tu apprends du disciple, quand tu t’installes dans ce qu’il a compris, dans la manière dont il a compris.[1] » 3- Un adulte qui, par sa manière d’être, invite implicitement chaque participant à entrer avec lui dans une recherche philosophique patiente, rigoureuse et active. L’adulte doit être, avant même que les participants s’engagent dans la recherche philosophique, une personne qui s’étonne, examine des hypothèses, questionne ses propres évidences et est heureux de pouvoir se faire aider d’autrui pour approfondir son propre questionnement.Ce troisième point me semble valable pour tout type de pratique philosophique, même lorsque l’adulte n’intervient pas oralement pendant la discussion entre les participants, comme dans les Ateliers Philosophie initiés par Jacques Lévine et Agnès Pautard. [1] Kierkegaard, « Point de vue explicatif de mon œuvre », in OC, t. XVI, p. 22. |