Le rôle du maître dans la pratique du débat philosophique

Arrêt sur image : De la pratique naturelle et naïve du débat philosophique.

par Jeane-Claude Mori

Je suis institutrice en classe de CM1 dans une école primaire alsacienne et m’intéresse à la pratique du débat philosophique. Par manque de temps ou peut être parce que je n’ai délibérément pas voulu trouver le temps, je n’ai pas encore eu de lecture théorique ou d’article illustrant la manière de faire dans d’autres classes. D’ailleurs plus j’y pense, plus je me dis que cette phase de tâtonnements sans connaissance théorique et expérimental préalable du sujet peut me permettre de l’aborder avec plus de liberté, de neutralité et, qui sait, d’être d’autant plus créative. Ceci me permet aussi d’observer le ressenti des élèves, les effets produits dans et par le débat, l’émergence du sens de la discussion pour et par les élèves de l’utilité de cette dernière. Il m’est d’autant plus difficile de leur faire comprendre ces derniers points car les cours de morale existent toujours à l’école en Alsace. En conséquence, les élèves ont tendance à penser que le débat philosophique est de cet ordre, moralisateur et, utilisent facilement les tournures « il faut que…, je dois… » Ils s’attendent sans aucun doute à ce que leurs idées soient orientées par l’enseignant. Ce qui pour moi est contraire au débat philosophique. Cette nouvelle forme de prise de parole, cette manière de penser le monde, les déstabilisent car ils sont vierges de toute expérience concernant le sujet. Ils éprouvent le besoin de se raccrocher à quelque chose de connu, de déjà pratiqué.

Mon rôle dans la pratique du débat philosophique en classe se limite donc pour l’instant à la lecture de 2 ou 3 textes issus des petits livres à thèmes philosophiques, « les goûters philo » de Brigitte Labbé et Michel Puech.

Les enfants s’approprient à leur manière ces textes, les commentent.

Je pose des questions aux enfants qui expliquent leurs idées lorsque leur parole n’est pas suffisamment explicite.

Je sollicite les enfants qui n’interviennent pas spontanément.

Je donne la parole. Les règles de prise de parole au sein de la classe sont implicites car définies en début d’année : « je lève le doigt pour parler et j’attends mon tour de parole »

En fin de débat, j’exprime parfois mon opinion sur le sujet en précisant bien que ce que je pense n’est pas une vérité universelle et que chacun est libre de penser ce qu’il veut et comme il veut à partir de son filtre de vision du monde . Chaque opinion est importante, mérite d’être entendue et respectée ; elle permet de faire progresser la réflexion.

La gestion du débat ne m’est pas encore très confortable. J’essaie de rester souple, de n’être pas trop directive. J’ai proposé cette activité durant ½ h chaque mardi matin à 8h00 pendant toute la durée du troisième trimestre l’année dernière. Les enfants l’attendaient avec impatience, elle se ritualisait au fil du temps. Elle a pu, dans ce cadre, correspondre aussi à un temps d’accueil, un temps d’écoute de chacun. La capacité des élèves à se concentrer suite à cette activité m’a paru plus importante.

Pour conclure, je dirai que dans un tel cadre de pratique, le débat philosophique peut sembler être détourné. Je l’ai détourné sans doute volontairement, de ses fonctions originelles. Une première expérience qui ne peut que s’enrichir surtout au niveau de la forme de gestion du débat. Celle-ci pourrait générer une liberté de parole, de pensées plus importantes, plus fortes mais aussi une plus grande implication des enfants pour faire émerger leurs idées et empêcher leur inhibition. Pour moi, ceci peut se faire à ce stade dans la définition théorique de mon rôle. Alors vite ! Au travail !

Date de création : 02 octobre 2002
Date de révision :
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