MAITRISE
DU LANGAGE ET EDUCATION A LA CITOYENNETE A L’ECOLE :
LE ROLE DU MAITRE DANS LA DISCUSSION
PHILOSOPHIQUE
Par Jean Dassin
Cette
contribution prend appui sur une recherche engagée en mars 2001 avec
une dizaine de classes ou d’écoles coopératives de la Région Rhône-Alpes.
L’OCCE, Office Central de la Coopération à l’Ecole, désirant approfondir
les spécificités pédagogiques des classes coopératives a sollicité la
mission Ecole Primaire de l’I.N.R.P. pour engager une recherche – accompagnement
auprès de ces équipes d’écoles.
L’analyse des échanges d’un l’atelier philosophie portant
sur la question : « La violence, qu’est-ce que c’est ? »
(Ecole Célestin Freinet à Valence - classe de CM1-CM2) permet d’envisager
quel peut être le rôle du maître dans la discussion.
Au cours de la discussion, un élève évoque l’interdit
: « la violence c’est interdit par la Loi ». Les échanges
permettent à l’élève de reconnaître son appartenance au groupe. En l’occurrence,
il découvre l’intérêt de l’échange et de sa réciprocité comme moyen
de surseoir à la violence. L’espace de parole qui lui est donné le conduit
à prendre conscience également de la nécessité de parler en dehors de
l’école, à ses parents précisément : « quand tu te fais racketter
et bien tu en parles à quelqu’un de ta famille ». Il entrevoit
aussi la possibilité de dire « non » à son agresseur et puis de
s’entretenir avec lui : « il faut essayer de se calmer. Celui
qui te fait de la violence, il faut lui dire qu’il doit s’arrêter ».
L’enfant découvre le pouvoir que peuvent avoir la parole
et les mots sur les actes. Toutefois, ce combat contre la violence ne
peut pas être mené tout seul et la Loi qu’il construit avec les autres,
lors de l’échange philosophique, lui permet d’entrevoir la nécessité
de s’allier avec ses pairs pour élaborer des règles qui leur permettront
de « vivre ensemble » et de savoir quelle attitude adopter
s’il est agressé en dehors de l’école.
Il importe de souligner que le débat ou moment philosophique
se distingue nettement du Conseil de Coopérative quant à ses finalités.
Au cours du Conseil de Coopérative, le groupe peut être appelé à régler
des problèmes de violence qui surviennent « ici et maintenant »,
dans cette classe, dans cette école. L’une des fonctions du Conseil
est de réguler les conflits qui peuvent survenir au sein du groupe (toutefois
le Conseil a d’autres fonctions : c’est également le lieu où les
projets sont élaborés).
Dans le cadre de la discussion philosophique sur la violence,
l’analyse est décontextualisée. Les enseignants, qui mettent en place
des situations d’apprentissage coopératives, instituent la parole comme
une médiation permettant à l’enfant d’échapper d’une part au « corps
à corps » fusionnel qui se noue parfois, de façon pathologique,
avec l’adulte ou avec un pair et d’autre part aux pulsions destructrices
et mortifères : affrontements verbaux (insultes), physiques
(bagarres) et dégradation de lieux ou de matériel.
Il existe un autre enjeu à la mise en œuvre de la discussion
philosophique : celui de la prise de conscience par l’enfant du
pouvoir des mots, en vue, précisément, de surseoir à la violence et
de tisser des liens avec les autres. A cet égard, l’éveil de la pensée
réflexive chez l’enfant, appelé à penser par lui-même à travers des
exigences de problématisation, de conceptualisation, d’argumentation
et des capacités métacognitives, nécessite également un travail d’étayage
et de médiation important de la part de l’enseignant, tel que le
proposent le philosophe Michel Tozzi ou Anne Lalanne, enseignante en
CP. A ce titre, la re-formulation de ce que disent les enfants par l’adulte
est une pratique souhaitable car l’une des missions de l’enseignant
est bien d’aider les élèves à construire des valeurs qui favoriseront
le développement de leurs capacités à vivre et à apprendre avec les
autres.
Les ateliers philosophiques peuvent ainsi concourir à
favoriser, de façon concomitante, la maîtrise du langage oral et l’éducation
à la citoyenneté, dans l’esprit des nouveaux Programmes de l’école primaire