Apprendre à philosopher
Le rôle de la discussion
et des formes diversifiées d'écriture
Michel Tozzi
professeur des universités, directeur du Cerfee-Irsa
à l'université Paul Valéry, académie de Montpellier
L'introduction de la philosophie
dans l'enseignement en lycée professionnel, par le dérangement qu'elle
produit, amène à s'interroger sur l'enseignement philosophique français
et sa tradition d'enseignement.
Quelques
mots sur mon parcours : j'ai été professeur de philosophie pendant 28
ans à la cité technique de Narbonne. Pendant une quinzaine d'années
j'ai été représentant du syndicat C.F.D.T. dans de nombreux organismes
de la formation continue de la région. Je suis rentré, en 1969, au CRAP
et depuis 1985, je suis membre du conseil d'administration du Cercle
de recherche et d'action pédagogiques et du comité de rédaction des
Cahiers Pédagogiques. C'est très important pour moi car c'est là que
se sont confrontées ma culture philosophique et mon identité professionnelle
avec une culture ouvrière d'une part à travers le syndicalisme, et pédagogique
de l'autre, puisque les mouvements pédagogiques en France sont porteurs
d'une culture de travail en équipe, d'interdisciplinarité, de mise de
l'élève au centre bien avant que cela ne soit repris dans une certaine
loi d'orientation... Peut être que cela est intéressant de dire aussi
que toute ma recherche depuis 1988 porte sur la didactique de la philosophie,
et que je n'ai pas pu faire cette recherche dans le cadre institutionnel
de la philosophie : c'est Philippe Mérieu qui a bien voulu en accepter
la responsabilité en sciences de l'éducation.
Lorsque
celui-ci était directeur de l'INRP, il a demandé en 1999 à Françoise
Raffin de réunir autour d'une table tous ceux qui depuis dix ans avaient
quelque chose à dire sur la philosophie. Les gens étaient invités en
tant que personnes et non en tant que représentant leur institution.
Il était intéressant d'être présent non mandaté et de voir comment pouvaient
se croiser les discours de personnes qui n'étaient pas là en tant que
représentants institutionnels mais néanmoins porteurs de la réflexion
de leur institution. Actuellement, je suis directeur du Centre d'Etudes
et de Recherche sur les Formes d'Education et d'Enseignement (CERFEE-IRSA).
Dans le cadre de cette équipe, je travaille plus particulièrement les
pratiques philosophiques émergentes dans la cité (cafés philosophiques)
et le système éducatif (école primaire et collège). J'anime un café
philosophique depuis 6 ans sur Narbonne, et m'interroge sur la place
du philosophe dans la cité. Mes recherches actuelle portent sur la discussion
à visée philosophique à l'école primaire et au collège. Quand on sait
que la position institutionnelle de la philosophie a toujours été de
refuser que l'enseignement de celle-ci commence en première, on mesure
l'écart qu'il peut y avoir entre le type de recherche ou de pratiques
que je mène et les postures institutionnelles ou associatives de l'enseignement
philosophique français.
Mon propos sera précisément
le rôle de la discussion et des formes diversifiées d'écriture dans
l'apprendre à philosopher, formes peu reconnues institutionnellement,
mais qui prennent une actualité par le contexte de l'expérimentation
de la philosophie proposée dans les lycées professionnels, dont on se
demande si elle va être élargie.
QUATRE PARADIGMES DE L'ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE
J'interviens
du lieu que l'on peut appeler le champ des didactiques de disciplines,
du champ de la didactique de la philosophie, c'est à dire non pas du
champ de recherche ou de forme culturelle qu'est la philosophie comme
pratique culturelle occidentale depuis un certain nombre de siècles,
mais du point de vue de la façon dont elle a été scolarisée et dont
on peut la scolariser dans un système éducatif à un moment donné de
son histoire. Or, lorsque l'on regarde la façon dont on a didactisé
celle-cidans les différents systèmes éducatifs (je me réfère à l'éducation
comparée), on voit qu'il y a des paradigmes, ou matrices disciplinaires,
peu nombreux :
- le paradigme italien,
où les professeurs sont en même temps professeurs de philosophie et
d'histoire. Quand on a une telle bivalence on enseigne naturellement
l'histoire de la philosophie. C'est ce que j'appelle le paradigme
historique ;
- le paradigme doctrinal.
Par exemple l'enseignement de la philosophie au Moyen Age, ou avant
la mort de Franco en Espagne, c'est à dire le thomisme comme discipline
officielle. On pourrait y rattacher la façon dont on a enseigné la philosophie
au Québec avant 1968, où l'enseignement de la philosophie était tenu
par les jésuites. Ou inversement l'enseignement du marxisme-léninisme-stalinisme
dans les pays ex-communistes, où le rôle du professeur de philosophie
était de faire partager cette doctrine à ses élèves. Il y a une philosophie
offficielle. Que ce soit dans un paradigme historique, l'histoire des
idées, ou dans un paradigme doctrinal, l'idéologie du pouvoir, il y
a un point commun, c'est l'enseignement de faits ou de vérités peu discutables.
Dans ces deux paradigmes, la différence est que dans l'histoire des
idées le paradigme est relativiste, alors que dans le paradigme doctrinal
il est dogmatique.
- Il y a une rupture fondamentale
entre ces deux paradigmes d'enseignement de la philosophie, tel qu'il
s'est incarné très concrètement dans l'histoire des systèmes éducatifs,
et ce que l'on peut appeler le paradigme problématisant où l'objectif
qui est poursuivi n'est pas, comme dans l'histoire des idées, de montrer
qu'il y a un patrimoine universel à transmettre et qu'il faudrait le
connaître.Dans le paradigme problématisant, l'objectif est d'apprendre
à penser par soi-même. C'est le paradigme français qui se démarque de
ce paradigme historique italien tout en gardant une grande importance
au texte. Mais les textes, les notions ne seront envisagés que par rapport
à des problèmes. Ce paradigme problématisant est subdivisé. Quand
je décris le paradigme problématisant français, les problèmes ne sont
pas dans le programme, dans le programme il y a des notions et des auteurs,
mais ceux-ci ne prennent de sens qu'à l'occasion d'un problème à penser.
Si
l'on prend la didactisation de la philosophie de Matthew Lipman, philosophe
américain qui a développé depuis plus de trente ans une méthode de philosophie
pour enfants (Il y a eu un congrès à Brasilla en 1999, qui s'intitulait
: Trente-cinq ans de pratiques et de recherchse en philosophie pour
enfants, avec de nombreux pays représentés !), il n'y a aucune
doctrine explicite. On est dans un paradigme problématisant qui ne s'appuie
pas sur la tradition patrimoniale des grands textes, notamment parce
qu'il s'agit d'enfants. Cela s'explique d'autant mieux que cela puisse
être né aux Etats Unis que la philosophie n'est pas une discipline dans
l'enseignement secondaire, mais une matière très spécialisée dans certaines
universités.
- Le paradigme belge est
un paradigme praxéologique qui s'incarne d'une manière curieuse.
Un débat vient d'avoir lieu au parlement belge pour savoir si l'on introduisait
la philosophie dans le secondaire. L'alternative était la suivante :
soit on introduit la philosophie comme une nouvelle matière dans le
secondaire, le ministre y était assez favorable, soit on le fait dans
le cadre du cours de morale non confessionnelle existant. Ce cours de
morale en Belgique a pour but d'apprendre à se décider dans l'action
par un effort de clarification et de hiérarchisation des valeurs. Les
professeurs de morale belges sont des libres penseurs. Si l'on dit en
France, que l'on va introduire l'éducation de la citoyenneté en première,
les professeurs de philosophie ne veulent pas être des idéologues de
la République. Ils ne veulent pas enseigner le catéchisme républicain.
Telle est la représentation que l'on a en France de la morale. Le paradigme
belge est un paradigme paxéologique parce qu'il s'occupe essentiellement
de la conduite. Le paradigme problématique français a complètement évacué
cette tradition de la sagesse antique selon laquelle la philosophie
est une manière non seulement de penser mais de se conduire. La sagesse
est à la fois le désir de savoir et le bonheur, auquel on accède par
la vertu ou le plaisir. Mais le paradigme problématisant, c'est apprendre
à penser par soi-même, pas apprendre à vivre et à mourir.
Première constatation :
on a naturalisé l'enseignement philosophique français en faisant croire
que c'était la seule façon d'enseigner l'enseignement de la philosophie,
et que cette didactisation de fait historique était universalisable,
en droit légitime. Le fait de sortir de France montre qu'ailleurs on
a fait et l'on fait autre chose.
UNE MATRICE DIDACTIQUE DU PHILOSOPHER
Dans le paradigme problématisant
français, il s'agit d'apprendre à philosopher. Il faut donc se mettre
d'accord sur ce qu'est philosopher et apprendre à philosopher. Pour
faire vite, philosopher est un exercice de la raison s'appuyant sur
la langue naturelle, pour formuler des questions qui posent problème
à l'homme et à tout homme, et cheminer pour tenter de les résoudre.
Mais il y a diverses conceptions de ce qu'est philosopher : construire
du concept, élaborer un système rationnel de compréhension qui rend
compte du rapport de l'homme au monde, à autrui, à lui-même. Dons moins
une démarche qu'une doctrine. Si un consensus philosophique est
impossible, est-ce que l'on peut arriver à un consensus didactique
? Ce qui présuppose qu'il y aurait un écart entre la philosophie et
son enseignement. J'ai travaillé sur cet écart dans les années 1988-1991
de façon pragmatique, au cours de deux universités d'été, d'une action
du plan national de formation dans les années 90 et en faisant un séminaire
avec des professeurs de philosophie.
J'ai posé une seule question
: à la fin de l'année qu'attendez vous de vos élèves intellectuellement
? Nous étions à peu près d'accord que nous aimerions qu'ils sachent
définir une notion, qu'ils sachent faire une distinction conceptuelle,
qu'ils développent un processus de conceptualisation. Nous étions
d'accord aussi qu'ils soient en capacité soit de mettre en question,
soit mettre en question une affirmation, la rendre problématique ou
bien qu'ils soient capables de réfléchir sur les présupposés ou les
conséquences de ce qu'ils disent. C'est à dire de problèmatiser.
Nous leur demandions : à partir du moment où ils disent ce qu'ils pensent,
qu'ils essaient de penser ce qu'ils disent, c'est-à-dire pas seulement
de savoir ce dont on parle, c'est la conceptualisation, mais de savoir
si ce que l'on dit est vrai. S'ils étaient capables d'argumenter
rationnellement, que cela soit pour fonder une thèse qui est une
réponse possible à une question, ou pour faire une objection.
A partir de cet accord
didactique, j'ai essayé de construire un modèle didactique du philosopher.
Modèle au sens de formalisation de la pratique des professeurs de philosophie
dans leur classe, de qui rend compte de l'intentionnalité de cette pratique,
de ce qui la finalise. La démarche a été extrêmement pragmatique. D'où
la mise en évidence de capacités philosophiques de base. On s'est aperçu
très vite, en essayant de voir ce qui se passait dans les classes, que
lorsqu'on demandait à un moment donné, « Est-ce que tu conceptualises,
est-ce que tu problématises ou est-ce que tu argumentes ?", cela
était difficile, on ne savait dans quelle colonne mettre ces processus
de pensée : on voyait bien que définir, questionner, fonder ou
déconstruire ce n'est pas la même chose. Mais dans une pensée où il
y a à la fois l'unité de la pensée et le mouvement de la pensée, on
ne peut pas faire une chose sans faire en même temps les deux autres.
Par exemple lorsque je veux rendre douteuse une affirmation, c'est à
dire problématiser quelque chose que j'affirme, il faut que j'argumente
mon doute. De la même façon si je pose des questions par rapport
à la relation qu'il y a entre des notions, il faut que je conceptualise
celles-ci pour savoir de quoi je parle. D'où l'idée d'un triangle, parce
que l'intérêt de la formalisation d'un processus par un triangle, c'est
que le sommet est en relation avec les deux autres. C'est un premier
élément : distinction de trois capacités philosophiques de base.
Deuxième élément : nous demandions à nos élèves que
les capacités de base soient activées dans des activités proposées :
lire philosophiquement des textes, écrire philosophiquement une dissertation.
Nous les appelons des compétences philosophiques, parce qu'elles
sont complexes. Lire philosophiquement un texte, c'est essayer de repérer
les processus de problématisation, de conceptualisation et d'argumentation
que l'on trouve dans le texte, et en même temps (contrairement au français
où l'on peut faire une lecture méthodique d'un texte poétique), mettre
en ouvre soi-même ces processus ; le texte d'arrivée est de même
nature que le texte source : à partir d'un texte philosophique
il faut aboutir à une dissertation philosophique. Cela veut dire qu'une
lecture est philosophique si non seulement on repère la « philosophicité »
du texte, mais si on exerce des opérations intellectuelles. C'est ce
que j'appelle une compétence à lire ou à écrire philosophiquement.
C'est articuler sa lecture ou sa dissertation sur des capacités philosophiques
de base.
Pédagogiquement, pour apprendre
à philosopher, à articuler dans l'unité et le mouvement d' une pensée
ces trois processus, il y a deux façons de s'entraîner :
1) par
des exercices spécifiques pour travailler chacune des capacités de base ;
2) en
se mettant face à la complexité de la tâche globale de lire ou d'écrire
pour développer des compétences philosophiques.
LECTURE ET ECRITURE PHILOSOPHIQUES
Sur la lecture, j'ai essayé
de mettre au point un concept interdidactique, le concept de « lecture
méthodique philosophique ». On pense, en France, que l'apprentissage
de la dissertation est le désapprentisage de la composition française.
Au lieu d'être sur cette posture épistémique de rupture entre l'enseignement
du français et l'enseignement de la philosophie, je suis parti des acquis
des élèves en français, pour voir comment ils peuvent les utiliser en
philosophie. En français la lecture méthodique a été développée depuis
plusieurs années, le fait de construire du sens en faisant un certain
nombre d'hypothèses de lecture dont on essaie de vérifier le caractère
interprétatif à partir d'indicateurs linguistiques.
Je me suis demandé comment
utiliser ces acquis en philosophie. Prendre le concept de lecture méthodique
qui est une élaboration de la didactique du français pour la refinaliser
par rapport à un champ épistémologique scolaire distinct et spécifique,
celui de la philosophie. Faire en sorte que tout ce travail sur les
indicateurs linguistiques du texte soit utilisé dans la perspective
philosophique, à savoir, construire philosophiquement son sens en essayant
de repérer à travers ces indicateurs les processus intellectuels de
conceptualisation, d'argumentation et de problématisation.
Comment apprendre à philosopher par l'écriture
?
L'écriture
apparaît comme une tâche complexe, qui développe une compétence philosophique :
lire philosophiquement un texte, le présupposé étant que l'on peut apprendre
à philosopher en écrivant. Le présupposé français est que l'on peut
apprendre et ne peut apprendre à philosopher qu'en faisant des dissertations.
C'est ce présupposé que j'interroge. Car il y a une "doxa"
philosophique, quelque chose qui fait consensus dans une communauté
et qui ne peut plus être interrogé. On ne peut pas interroger en France
la seule légitimité de la dissertation pour apprendre à penser. Hors
de la dissertation point de salut.
Or, l'enseignement de la
philosophie est organisé, comme toute matière scolaire, en fonction
de la manière dont il va être évalué. Changez la dissertation comme
modalité d'évaluation, vous aurez un autre enseignement de la philosophie !
Nos collègues québécois enseignent la philosophie au collégial correspondant
sur deux ans à la classe terminale française et à la première année
de l'enseignement supérieur. Trois cours sont dispensés. Le premier
cours est évalué par un essai argumentatif. En Suisse, il y a autant
de programmes de philosophie qu'il y a de cantons. Dans certains cantons
l'évaluation consiste en un entretien oral avec le candidat. A Lausanne
l'objectif n'est pas de penser par soi-même la notion d'amour mais de
comprendre la conception de l'amour selon Platon. Or, si la dissertation
est le mode d'apprentissage écrit de la philosophie et le mode d'évaluation
de la discipline, il faut s'interroger sur "le comment on en est
arrivé là". On est passé historiquement, voir la thèse de Bruno
Poucet, de la rédaction à la dissertation. La dissertation est un genre
scolaire philosophique du système éducatif français devenu un patrimoine
incontournable à la fin du dix-neuvième siècle. Les philosophes n'ont
jamais fait de dissertation, ils ont écrit des aphorismes, des dialogues,
des essais, des traités, des méditations, des lettres, des poèmes. Il
y a une diversité chez les philosophes des genres de discours philosophique
(voir les travaux de Frédéric Cossutta). Lorsque des philosophes écrivent
des choses qui portent sur la dissertation, c'est à l'occasion d'un
concours (Kant ou Rousseau) ! La dissertation est un genre scolaire.
Un genre scolaire est une invention d'un système éducatif pour transposer
didactiquement des pratiques culturelles ou sociales en matière à enseigner.
Peut être serait-il intéressant de didactiser les genres utilisés par
les philosophes eux-mêmes.
J'ai
monté un atelier d'écriture philosophique informel, pendant deux ans,
avec des collègues volontaires, on a expérimenté différents genres
d'écriture philosophique. Je me suis rendu compte qu'à travers ces différents
genres, il y avait de la pensée et que suivant le genre proposé, par
exemple écrire un mythe philosophique, on ne disait pas tout à fait
la même chose. Il y avait une surdétermination par le genre du discours
tenu. J'ai proposé cet atelier d'écriture philosophique à dix professeurs
de philosophie de l'académie de Nancy le protocole suivant : on commence
par un aphorisme, confrontation à l'altérité pour s'altérer des aphorismes
des autres. On écrit un deuxième aphorisme où on aura été altéré par
un ou deux aphorismes des autres. On dit ensuite par quel forme d'aphorisme
on a été altéré. On met des mots sur ce que l'on a fait. Pour les élèves
d'enseignement professionnel, on dira que l'aphorisme est une phrase.Puis
on développe en dix lignes son aphorisme, c'est un « aphorisme
expansé », que l'on passe ensuite à son voisin pour qu'il y réagisse
par écrit sous forme de lettre. Puis a lieu une discussion suivie d'un
écrit personnel, sous forme d'essai. On passe enfin à la rédaction d'un
dialogue.
C'est très différent de
se confronter à l'altérité orale et à l'altérité écrite. Ce sont les
deux codes du langage. Ils ne produisent pas les mêmes effets. Le dialogue
est écrit à l'issue d'un ensemble de dispositifs qui comprennent la
confrontation à l'altérité écrite et orale. Si dialoguer, c'est être
en relation avec l'autre en soi, on fait l'hypothèse que le dialogue
avec autrui va être plus riche parce qu'il y a toujours des limites
au dialogue avec soi. Je ne peux pas me surprendre, même quand je me
fais des objections. Se confronter à l'altérité orale est autrement
surprenant que de se confronter à l'altérité écrite parce qu'il y a
une espèce de présence incarnée de l'autre qui nous met dans l'urgence
d'une réponse. On ne construit pas sa pensée dans une intervention sociale
verbale comme dans un dialogue écrit par soi-même.
Voir mon ouvrage sur les
formes diversifiées d'écriture.
DISCUTER PHILOSOPHIQUEMENT
C'est la dernière compétence
philosophique à développer. Je développe une certaine conception du
débat philosophique dont j'ai essayé de didactiser la conception à travers
la question : "A quelle condition une discussion en classe ou de
café peut devenir une discussion philosophique ?" Une discussion
n'est jamais d'emblée philosophique. Une conversation fonctionne à partir
d'un certain nombre d'association d'idées. En fait, on s'aperçoit qu'une
discussion ne peut véritablement devenir philosophique que si l'on introduit
les exigences intellectuelles rappelées ci dessus. Le problème émerge
lorsque l'on essaie de didactiser la discussion en lui donnant une visée
philosophique, quand on cherche à préciser les conditions de possibilité
de philosophicité d'une discussion. Ce fut l'objet de ma contribution
au groupe de recherche de l'Inrp. Pour la terminale, c'est l'objet de
l'ouvrage L'oral argumentatif en philosophie. Et c'est l'objet
de ma recherche actuelle en Segpa, à l'école primaire et au collège.
Faute de temps, je vous renvoie aux ouvrages ci-dessous, mais nous allons
en discuter à partir de vos questions.
Quelques
publications en didactique de la philosophie:
-Vers une didactique
de l'apprentissage du philosopher, doctorat, Lyon II, 1992.
-Tozzi et al, Apprendre
à philosopher dans les lycées d'aujourd'hui, Hachette-CRDP de Montpellier,
1992.
-" Contribution
à l'élaboration d 'une didactique de l 'apprentissage du philosopher ",
Revue Française de Pédagogie, avril-mai-juin 1993.
-Tozzi et al, Etude
philosophique d'une notion, d'un texte, CRDP de Montpellier, 1993.
-Penser par soi
même, initiation à la philosophie, Chronique Sociale, Lyon, 1994.
-Tozzi et al, Lecture
et écriture du texte argumentatif en français et en philosophie,
CRDP de Montpellier,1995.
-" De la philosophie à son enseignement : le
sens d'une didactisation ", Savoirs scolaires et didactiques
des disciplines (coord. Develay M.), ESF,1995.
-" Peut-on didactiser
l'enseignement philosophique? ", L'enseignement philosophique,
déc.1995.
-Eléments pour
une didactique de l'apprentissage du philosopher, Thèse d'habilitation
à diriger des recherches, Lyon2, 1998.
-Tozzi et al, L'oral
argumentatif en philosophie, CRDP Montpellier, 1999.
-" Philosopher
à l'école élémentaire ", Pratiques de la philosophie n°6,
GFEN, juillet 1999.
-Tozzi et al, Diversifier
les formes d'écriture philosophique, CRDP Montpellier, 2000.
-Tozzi et al, L'éveil
de la pensée réflexive à l'école primaire, CRDP Montpellier-CNDP-Hachette,
2001.
-Tozzi et al, Discuter philosophiquement à l'école
primaire. Pratiques, formations, recherches, CRDP Montpellier, 2002.
-Tozzi et al, Nouvelles pratiques philosophiques en
classe, enjeux et démarches, CRDP de Rennes, 2002.
-Coordination de tous les numéros de la Revue Diotime
L'Agora, publiée par le CRDP de Montpellier depuis mars 1999, à
raison de quatre numéros par an, comprenant de nombreux articles sur
les pratiques philosophiques à l'école primaire, au collège, en terminale,
dans la cité (cafés-philo, atelier d'écriture philosophique).